Couverture vaccinale BCG en médecine libérale : premières données chez le nourrisson, sept mois après la levée de l’obligation vaccinale en FranceBCG vaccine coverage in private medical practice: First data in children below two years old, seven months after the end of compulsory vaccination in France

https://doi.org/10.1016/j.arcped.2009.01.006Get rights and content

Résumé

Objectifs

Suite à la suspension de l’obligation vaccinale BCG et son remplacement par une recommandation forte chez des enfants à risque de tuberculose, il existe un risque que la couverture vaccinale (CV) baisse chez ces enfants. L’absence d’outils adaptés permettant d’identifier précocement un tel phénomène nous a conduits à mener une enquête dont l’objectif principal a été d’estimer la CV BCG en milieu libéral chez les enfants nés après la levée de l’obligation, chez lesquels le BCG est recommandé.

Méthodes

Enquête transversale menée auprès des médecins abonnés à Infovac-France. Chaque médecin devait inclure entre six et 12 enfants de deux à 23 mois, vus en consultation quel que soit leur statut vis-à-vis du BCG. Le questionnaire a été saisi directement en ligne et les données analysées après redressement de l’échantillon.

Résultats

Au total, 2536 enfants recrutés par 279 pédiatres et généralistes (6,5 % des médecins contactés) ont été inclus. La CV chez les enfants répondant aux nouvelles recommandations vaccinales et suivis en médecine libérale était globalement de 68 % ; elle était de 77 % chez ceux nés entre l’arrêt de commercialisation du BCG par multipuncture et la suspension de l’obligation vaccinale et de 58 % chez les enfants nés après la suspension de l’obligation vaccinale (68 % en Île-de-France [IDF], 48 % hors IDF). Chez les enfants d’IDF nés après la levée de l’obligation et considérés comme particulièrement à risque (présence d’un critère de vaccination en plus du fait de résider en IDF), la CV atteignait 90 % (elle était de 60 % chez ceux n’ayant pas d’autre critère que le fait de résider en IDF). Parmi les médecins libéraux, 75 % effectuaient habituellement eux-mêmes le BCG et 58 % avaient recommandé ou proposé la vaccination aux enfants à risque non vaccinés. Soixante-seize pour cent des parents acceptaient cette vaccination lorsque celle-ci leur était proposée.

Conclusion

Notre enquête suggère, d’une part, des CV encore insuffisantes chez les enfants suivis en médecine libérale et nés après la suspension de l’obligation vaccinale et, d’autre part, apporte des éléments encourageants : bonne CV chez les enfants à haut risque en IDF et bonne acceptation par les médecins et les familles de la nouvelle politique vaccinale. Ces résultats, même s’ils doivent être interprétés avec prudence (échantillon de médecins abonnés à Infovac et limites méthodologiques), plaident en faveur du renforcement de la communication autour de la nouvelle politique vaccinale.

Abstract

Objectives

In July 2007, compulsory BCG vaccination for all children was replaced by a strong recommendation to vaccinate children at high risk of tuberculosis (children who live in Île-de-France [IDF] or Guyana regions, who were born or whose parents were born in tuberculosis endemic countries, with a family history of tuberculosis or living in conditions defined as at risk by the doctor). In the absence of tools to detect an early decrease in vaccine coverage (VC) in this specific group, we conducted a survey with the main objective of measuring BCG VC in high risk children for which BCG is now recommended and who were born after the change in BCG vaccine policy.

Methods

Cross-sectional survey performed amongst physicians registered at “Infovac-France”, a network of general practitioners and paediatricians particularly aware of recent changes in the field of vaccinations. Each doctor was asked to recruit, during his medical consultation, between six and 12 children aged 2–7 months (born after the end of compulsory BCG vaccination in July 2007) and 8–23 months (born after the withdrawal from the market of the multipuncture form of BCG [Monovax®] in January 2006 and before the end of compulsory BCG vaccination in July 2007). Doctors were asked to fill in a structured online questionnaire. Data were standardized and analysed with Stata 9.2.

Results

A total of 2536 children, recruited by 279 general practitioners and paediatricians (6.5% of all contacted doctors), were included. VC in the target group of high risk children for who BCG is still recommended and who were seen by doctors working in a private medical practice was: overall 68%; 58% in children born after the end of compulsory BCG vaccination (68% in IDF, 48% outside IDF); 77% in those born after the withdrawal of Monovax® from the market and before the end of compulsory BCG vaccination; 90% in children living in IDF born after the end of compulsory vaccination and considered as particularly at risk of tuberculosis (presence of vaccination criteria other than residing in IDF) and 60% in the same category of children whose sole criteria for vaccination was residing in IDF. Of doctors who worked in a private medical practice: 75% used to perform the BCG vaccination themselves and 58% had recommended or suggested vaccination to children at risk who were not yet vaccinated. Seventy-six percent of parents of children at risk of tuberculosis not yet vaccinated accepted BCG vaccination when recommended by their doctor.

Conclusion

Our survey showed, on the one hand, insufficient VC in children seen in a private medical practice and born after the end of compulsory vaccination for whom BCG is still recommended. This should encourage the Ministry of Health to reinforce its communication concerning this new policy. On the other hand, the survey showed encouraging results concerning both the coverage of children at particularly high risk in IDF and the adherence of doctors and families to the new vaccine policy. These results should be interpreted with caution, taking into account the methodological limitations of this survey.

Introduction

La France est considérée comme un pays à faible incidence de tuberculose. En 2006, 5336 cas de tuberculose maladie y ont été déclarés, soit un taux d’incidence de 8,5 cas par 105 habitants [1]. Néanmoins, cette incidence est élevée dans certains groupes de population et dans certaines zones géographiques, avec notamment un risque plus élevé chez les personnes nées à l’étranger (45 % des cas) et en Île-de-France (37 % des cas) ou en Guyane [1]. D’autres groupes particulièrement affectés sont les personnes en état de précarité socioéconomique, notamment les personnes sans domicile fixe.

L’incidence élevée de la tuberculose dans certains groupes a conduit à une réflexion sur la politique vaccinale par le BCG en France. Suite aux conclusions de deux expertises réalisées en 2004 [2] et 2006 [3], le Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF) proposait le ciblage de la vaccination BCG pour les enfants appartenant aux groupes à risque. Ces avis s’appuyaient sur l’expérience d’autres pays européens [4] et, notamment, sur celle de la Suède où l’incidence de la tuberculose s’était maintenue à des niveaux acceptables après le remplacement d’une politique de vaccination systématique des nouveau-nés par une vaccination sélective des enfants à risque élevé [5]. La proposition du CSHPF survenait alors que la vaccination par multipuncture (Monovax®) n’était plus disponible depuis janvier 2006, ne laissant sur le marché que le vaccin intradermique, considéré comme plus difficile à manier et avec plus d’effets indésirables que le vaccin Monovax® [6].

Le faible risque de tuberculose dans une majorité de la population, le risque plus élevé d’effets indésirables avec le nouveau vaccin et les difficultés techniques de la vaccination par voie intradermique pour les médecins n’en ayant pas l’habitude expliquaient certainement la réticence à vacciner de la part des médecins. Ces réticences se sont traduites par une chute de la couverture vaccinale BCG de plus de 50 % [7], même avant la suspension de l’obligation vaccinale.

Cette suspension intervenue en juillet 2007 a été remplacée par une recommandation forte de vaccination des enfants les plus exposés au risque de tuberculose :

  • les enfants nés ou dont au moins l’un des parents est originaire d’un pays de forte endémie tuberculeuse ;

  • les enfants devant séjourner au moins un mois d’affilée dans l’un de ces pays ;

  • les enfants ayant des antécédents familiaux de tuberculose (collatéraux ou ascendants directs) ;

  • les enfants résidant en IDF ou en Guyane ;

  • les enfants dans toute situation jugée par le médecin à risque d’exposition au bacille tuberculeux, notamment enfants vivant dans des conditions de logement ou socioéconomiques défavorables ou précaires ou en contact régulier avec des adultes originaires d’un pays de forte endémie.

Cette nouvelle politique vaccinale ciblée sur les enfants à risque constituait une bonne option, à condition que les CV restent élevées dans ces populations d’enfants [8]. Or il n’existe pas aujourd’hui d’outils permettant de mesurer en routine la CV chez le nourrisson ciblé par la recommandation, puisque les certificats de santé du neuvième et du 24e mois, qui sont la principale source de ces estimations chez le nourrisson, ne contiennent pas d’informations sur l’appartenance à un groupe à risque de tuberculose [9]. Par conséquent, nous avons mené une enquête en médecine libérale dont l’objectif principal a été d’estimer la CV BCG chez les enfants nés après la levée de l’obligation vaccinale et ciblés par les nouvelles recommandations. Les objectifs secondaires ont été de mesurer cette couverture chez les enfants nés entre l’arrêt de commercialisation du BCG par multipuncture et la suspension de l’obligation vaccinale, et de décrire les pratiques des médecins et l’attitude des parents vis-à-vis de la vaccination BCG. L’ensemble des résultats de cette étude est disponible en ligne sur le site de l’institut de veille sanitaire (InVS) (www.invs.sante.fr).

Section snippets

Population d’étude

La population concernée par cette enquête correspond aux 4370 médecins (essentiellement médecins généralistes et pédiatres) abonnés du réseau Infovac-France (dont 900 en IDF). Ce réseau a comme objectif d’informer ses abonnés sur les évolutions récentes dans le champ de la vaccinologie et de répondre de manière très réactive à leurs interrogations concernant leur pratique vaccinale (www.infovac.fr). Ces médecins ont reçu le questionnaire par courriel le 5 février 2008.

Des enfants de deux

Caractéristiques générales des médecins et des enfants (Tableau 1)

Parmi les 4372 médecins sollicités entre le 5 février et le 16 mars 2008 (dont 897 exerçaient en IDF, soit 10 %), 285 (6,5 %), dont 279 pédiatres et généralistes, ont répondu à l’enquête après plusieurs relances (dont 92 exerçaient en IDF, soit 32 % de l’échantillon). Il s’agissait en majorité de pédiatres (67 %) et de praticiens de sexe féminin (72 %). Parmi ces médecins, 201 (70 %) exerçaient en libéral (107 en libéral exclusif, 94 en mixte libéral plus salarié), 65 (23 %) exerçaient

Discussion

Ces résultats constituent les premières estimations de CV par le BCG suite à la suspension de l’obligation vaccinale. Il s’agit cependant d’une enquête basée sur un échantillon de convenance, que nous avons menée afin d’informer rapidement les pouvoirs publics sur l’impact de cette mesure, en attendant la réalisation d’enquêtes par sondage aléatoire plus fiables mais plus difficiles à mettre en place. L’interprétation de ces résultats doit donc tenir compte de ce contexte et doit rester

Conclusion

Notre enquête a montré, d’une part, des CV insuffisantes en secteur libéral et, d’autre part, des résultats encourageants en matière d’acceptation par les médecins et les familles de la nouvelle politique vaccinale BCG. De nouvelles enquêtes par sondage aléatoire permettront de confirmer ces premières données et d’estimer la CV chez les enfants suivis en PMI. La modification des certificats de santé de l’enfant permettant d’identifier les enfants à risque et de mesurer en routine la CV BCG

Conflits d’intérêts

Aucun.

Remerciements

Nous remercions l’ensemble des médecins du réseau Infovac-France qui ont bien voulu donner de leur temps pour participer à cette enquête. Merci à Yann Le Strat pour ses avis statistiques. Nous remercions également Sadia Tortorelli (ACTIV) qui a contribué au suivi de la collecte des données.

Références (11)

There are more references available in the full text version of this article.

Cited by (19)

  • Do selective immunisation against tuberculosis and hepatitis B reach the targeted populations? A nationwide register-based study evaluating the recommendations in the Norwegian Childhood Immunisation Programme

    2016, Vaccine
    Citation Excerpt :

    After changing from universal to selective BCG immunisation in Sweden in 1975, an increased incidence of TB among children with foreign born parents was observed [29]. Also in France, the coverage decreased when targeted BCG vaccination replaced the universal programme [19,30]. We found, in contrast, the coverage among infants with parents from high-burden countries to remain unchanged after the switch to selective BCG immunisation.

  • Family history of immigration from a tuberculosis endemic country and low family income are associated with a higher BCG vaccination coverage in Ile-de-France region, France

    2013, Vaccine
    Citation Excerpt :

    Following these changes, estimation of BCG vaccination coverage of children targeted by the new recommendations was needed. In Ile-de-France, as all children were targeted by the new policy, administrative data, complemented with data from surveys, could be used to monitor the overall vaccination coverage which was shown to progressively increase from about 50% in children born in 2007 to about 80% in children born in 2011 [5–8]. However, within this region, no specific data were available for the specific group of children who, beyond residing in Ile-de-France, present additional risk factors mainly linked to being born to a family originating from a highly tuberculosis endemic country.

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